Pour construire de nouveaux réacteurs en France, la filière nucléaire doit recruter au moins 10 000 personnes par an à partir de 2023. Elle doit rehausser la qualité de ses compétences dans la gestion des grands projets et retrouver une culture d'excellence industrielle.
La France a-t-elle les compétences pour construire de nouveaux réacteurs nucléaires ?
La question n’a rien de triviale, alors qu’EDF a dû faire appel à une centaine de soudeurs américains pour régler un problème de fissures qui l’a obligé à arrêter et à réparer 16 des plus puissants réacteurs du parc français. Dans le même temps, la majeure partie des forces de ses sous-traitants sont déjà réquisitionnées pour assurer les travaux du grand carénage, qui doivent durer encore au moins jusqu’en 2028. Le tout dans un contexte où, comme on l'a vu avec l’EPR de Flamanville (Manche), la filière a perdu en compétences, en culture de sûreté et en excellence industrielle.
«Un salarié sur deux qui travaillera dans la filière en 2030 n’y travaille pas aujourd’hui», prévient Alain Tranzer, le délégué général à la qualité industrielle et aux compétences nucléaires d’EDF.
Anticiper les besoins à dix ans sur 80 métiers
«Aucune autre filière industrielle n’a un tel plan de charge devant elle», alerte Alain Tranzer. Le groupement des industriels français de l’énergie nucléaire, le Gifen, a lancé le programme Match, qui va permettre de connaître le nombre de personnes à recruter dans la décennie à venir dans plus de 80 métiers, du tuyauteur au soudeur en passant par l’ingénieur métier.
Une université virtuelle pour lister les formations
Ensuite, pour avoir les bonnes ressources au bon moment, le Gifen compte activer deux leviers. Le premier est celui de l’attractivité (promouvoir les entreprises dans les salons, les écoles, auprès des jeunes, des femmes, des personnes en conversion), le second, celui de la formation. La filière a créé en 2021 l’Université du nucléaire, une association financée par l’État à hauteur de 30 millions d’euros via le plan de relance. L’idée est «de créer au jour le jour des formations répondant aux besoins de la filière» et d’attirer ainsi les talents.
Enfin, pour le cas spécifique des soudeurs et dans le cadre de son plan soudage, EDF a décidé d’activer deux autres leviers : l’organisation du travail pour réduire les temps d’attente ; et la réduction des risques de non-qualité. Pour cela, EDF veut réduire d’un tiers le nombre de soudures à réaliser sur les chantiers des EPR en développant, avec Framatome, des robots soudeurs, pour que le plus possible soit réalisé en usine. Pour mémoire, EDF a dû repousser de deux ans le démarrage de Flamanville 3 à cause de 130 soudures qui n’étaient pas au bon niveau de qualité. De quoi représenter un surcoût de 1,5 milliard d’euros.